Capsule d’information 05 : Risques liés aux thérapies complémentaires

Capsule d’information 05 pour tout savoir sur les thérapies complémentaires. Ici, les risques associés et comment identifier les pratiques à risques. Enregistrée le 18.05.2021. Ci-dessous, le script complet ainsi que les références associées.

SCRIPT

Cette capsule d’information a pour but de présenter les risques liés au recours aux thérapies complémentaires et de quelle manière identifier des pratiques à risques.

De même qu’il y a des bénéfices associés au recours à ces approches, je les ai présentés dans la capsule d’information 04, je vous propose de lister ici les risques liés aux thérapies complémentaires ou, appellation que je préfère utiliser, Pratiques Non Conventionnelles (PNC), terme que je présente dans la capsule d’information consacrée aux Définitions et Appellations associées.

Il y a deux grandes classes de risques : risques liés au patients et d’autre part les risques liés à l’attitude des thérapeutes.

1. Risques liés au patient

Discrédit, méfiance voire refus de la médecine conventionnelle
Par l’adhésion à certaines théories alternatives à la santé, on peut être amené à penser que le médecin est aveugle, corrompu, à la solde de «big pharma», ce qui peut rompre la confiance envers le corps médical.

Non observance des traitements médicaux autorisés
De part la méfiance et déception du suivi médical classique. Le corps médical ne possédant pas la panacée face à des problématiques complexes, on peut être amené à abandonner ce qui est prescrit. Par conséquent, tout ce qui vient de la médecine est refusé: «Je n’en veux plus de vos médocs qui me font plus de mal que de bien».

Retard de diagnostic/Chronicisation des troubles
En ne suivant plus le traitement médical ou en ayant recours exclusif aux PNC, les acteurs de ces pratiques ne sont pas en mesure d’établir un diagnostic car n’ont pas de formation initiale dans le domaine de la santé. Un trouble peut s’installer et sans traitements adéquat, il peut devenir chronique et devient très difficile à soigner.

Risque d’interactions avec des traitements en cours
On présente les PNC comme naturelles, douces et donc sans dangers, or ce n’est pas le cas. Il est nécessaire d’en parler à son médecin. Par exemple, le Millepertuis entre en interaction avec l’usage de la pilule contraceptive, les huiles essentielles sont contre indiquées en cas d’allergie, chez la femme enceinte et pour les enfants de moins de 3 ans.

Substitution de traitement
On se rend plus facilement chez un-e kinésiologue par exemple plutôt que de pousser la porte d’un-e psychologue. J’ai moi-même été témoin de parents qui se rendent auprès d’un-e kinésiologue pendant une certaine durée pour un «rééquilibrage énergétique» à cause de problèmes de comportement alors qu’en réalité c’est plutôt un suivi psychologique qui serait nécessaire. La psychologie traîne avec elle cette croyance que l’on s’y rend parce qu’on est «fou», or ce n’est pas le cas.

Dérive thérapeutique
Des pratiques répréhensibles telles que attouchements, agressions sexuelles que l’on voit parfois dans les journaux mais aussi escroquerie. En l’absence de cadre légal, il n’y a pas d’associations professionnelles pour faire office de garde-fous. De plus, il est très facile de s’installer comme «thérapeute», travailler sous sa propre responsabilité sans contrôle par les pairs.
Petite précision : aucune profession n’échappe à des pratiques déviantes, toutefois l’absence de cadre légal augment le risque de dérives.

Dérive sectaire
Je le note pour mettre en évidence la différence entre la Suisse où il semble que ce risque est apparemment absent et la France où ce risque est brandit dès qu’il est question de thérapie complémentaires : Yoga, kinésiologie, reiki : attention risque de dérive sectaire! Toutefois, les thérapeutes ne sont pas tous des pervers assoiffés de détresse qui ont pour but de vous vider le portemonnaie. La plupart travaille correctement. On parle de risques mais il n’y a pas eu de condamnation d’une quelconque approche pour dérive sectaire.

Automédication
J’entends souvent la phrase «Je soigne mes enfants au naturel». Toutefois c’est inquiétant car les parents ne peuvent se substituer au travail du pédiatre.

Origine mono-causale du trouble
Attribuer l’origine de la maladie à un seul facteur, une seule cause. Exemple populaire : «le stress cause le cancer» qui n’a aucun fondement scientifique. On sait aujourd’hui que la maladie, notamment le cancer, a des origines multifactorielles : environnementales, génétiques… Le Dr. Ryke Geerd Hamer, fondateur de la «Biologie Totale» s’est fait condamner pour avoir fait croire aux patients que leur maladie étaient due à un problème émotionnel / psychologique et proposé des traitements infondés dans ce sens.

Quête du bien-être
C’est la préoccupation excessive pour la santé autant chez le patient que le thérapeute. Des source d’information multiples, notamment la presse bien-être, se fait l’écho de «comment bien vivre au quotidien», en adoptant telle pratique, tel rituel, telles méthode etc. Toute la journée est sous la contrainte d’être vécue «en conscience» ou «avec bienveillance». Cet injonction au bien-être perpétuel peut provoquer stress et culpabilité.
Du côté des thérapeutes, j’ai parfois l’impression qu’ils sont en thérapie perpétuelle, en exposant leur vie sur les réseaux sociaux, où ils témoignent régulièrement qu’ils vont mieux, qu’ils ont passé un cap… En réalité, la thérapie ne résout pas une problématique qui semble plus profonde.
Enfin, le recours régulier auprès de thérapeutes peut avoir un «effet yoyo» comme les régimes: Lors d’une «baisse d’énergie» ressentie, on prend rendez-vous pour aller mieux, puis la baisse d’énergie revient et on reprend rendez-vous sans résoudre une possible problématique plus profonde. Alors que les PNC prétendent chercher en profondeur la cause du mal, c’est plutôt dans la superficialité qu’elles semblent agir.

2. Risques liés à l’attitude du thérapeute

Vous devriez vous méfier si le ou la thérapeute…

Vous promet la guérison
De nombreuses publicités sur les réseaux sociaux de thérapeutes qui vont proposer des «séances de guérison» avant même d’avoir vu le ou la patiente.

Vous propose des séances répétées en l’absence de plan thérapeutique
Des thérapeutes proposent des packs de 3 séances avant le début des consultations. De même, des thérapeutes qui vont régulièrement inviter les patients à revenir consulter sans pouvoir donner de précisions sur le but du suivi, le travail effectué d’autant plus s’il n’y a pas d’améliorations réelles.

Vous incite à modifier ou stopper un traitement en cours
Il est très rare de lire ou entendre un thérapeute incitant ses patients à modifier ou stopper un traitement en cours. Le discours est plus pernicieux : «Les médecins sont aveugles, corrompus, à la solde de big-pharma, les antibiotiques sont des poisons, les vaccins dangereux mais vous êtes libre de faire comme vous voulez». C’est déjà une injonction à se méfier du système de santé classique.

Vous rend, ainsi que votre entourage, responsables de la maladie
Couper le patient de son environnement familial, professionnel, peut amener à une dérive sectaire par l’emprise mentale. Autre cas de figure : ce n’est pas le thérapeute ou la thérapie qui est inefficace, c’est le patient qui ne suit pas les conseils du bon thérapeute.

Discrédite la médecine officielle
Du même ordre que le discours qui vise à modifier ou stopper un traitement en cours. On ne discrédite pas clairement la médecine officielle, on attire simplement l’attention sur la corruption, le complot, le risque liés au vaccins…

Pratique en vase-clos
La plupart des thérapeutes travaillent dans un cabinet indépendant, sous leur propre responsabilité. Il n’ont pas de colloques cliniques, ne participent pas aux entretiens de réseaux. Par conséquent, avoir une pratique «holistique» est difficilement compréhensible puisqu’ils n’ont tout simplement pas accès au dossier médical du patient. Il existe des «centres de santé naturelle» où en réalité chaque thérapeute va avoir son horaire, ses patients et travailler dans son coin. Comme la plupart ne sont pas reconnus comme professionnels de santé, même s’il devait y avoir des colloques cliniques, ce serait un problème pour la conservation du secret médical.

Utilise un langage flou
Des termes tels que énergie, onde, vibration, purification… C’est un langage inspirant et imagé, avec une certaine portée symbolique mais si c’est le langage exclusif du thérapeute, il faut se méfier car ça trahit un manque de formation en santé.

Propose des concours pour des séances gratuites ou des rabais sur plusieurs séances
On n’implique pas le patient dans une démarche marketing alors qu’il est question de soins, pour des raisons éthiques évidentes. Comme la plupart des thérapeutes ne sont pas reconnus comme professionnels de santé, ils peuvent se le permettre. Par ailleurs, tout est prétexte pour faire des concours : la nouvelle lune, la pleine lune, l’équinoxe, le portail énergétique, le printemps…

Propose de nombreuses indications thérapeutiques
Sur les sites Internet des thérapeutes figurent régulièrement une liste interminable d’indications pour des trouble à la fois psychiques et somatiques : stress, angoisses, anxiété, violences, dépression, problèmes de peau, estomac, dos …. La prise en charge concerne les enfants, les adultes, la famille… Je les appelle les «faccio-tutto thérapeutes»

Indications et leviers thérapeutiques flous
Recours au guides spirituels, guérir par l’énergie, agir sur l’âme… En général, les PNC offrent un espace d’écoute, d’empathie, ce qui est une bonne chose. En revanche, dans quelle mesure il y a une intervention réelle de guides spirituels, d’énergie universelle ? A priori, les leviers thérapeutiques se résument à ce que j’appelle la «méthode BEE» : Bienveillance, Empathie, Écoute, sans plus. Donc : du soutien psychologique.

Ne possède aucune formation initiale en santé
La plupart des thérapeutes n’ont pas d’expérience en milieu ambulatoire ou hospitalier.
Je constate que le parcours type du thérapeute se résume souvent à : 1. Carrière dans le domaine technico-commerciale (chef d’équipe, manager, ressources humaines) puis 2. événement traumatique tel que Burn-out et enfin 3. Je me lance dans la thérapie. Or, on ne se lance pas dans la thérapie sous sa propre responsabilité sans avoir d’expérience pratique dans le domaine de la santé. Il est aisé de se former à un outil thérapeutique (kinésiologie, reiki etc.) mais mener une thérapie auprès de patients nécessite de longues années d’expérience sous supervision. Même si des thérapeutes s’établissent et travaillent avec plein de bonnes intentions (l’enfer est rempli de bonnes intentions), l’expérience traumatique et la formation en outil de soins ne justifie pas la pratique thérapeutique : ce serait reprocher à l’oncologue de ne pas avoir eu de cancer, au pédiatre de ne pas avoir d’enfants, au gynécologue de ne pas être une femme etc.

Utilise des titres non reconnus officiellement
Des appellations telles que psychopraticien, psycho énergéticien, thérapeute de l’âme… Ce sont des appellations très inspirantes et contrastent avec les termes austères du système médical. Toutefois, la plupart des appellations ne sont reconnues que par des organismes de formation privés pour se donner une aura de respectabilité, par exemple avec un diplôme officiel de «bio-énergétique». C’est du marketing.

Risque sanitaire : Gourou 2.0
On sort de la relation individuelle thérapeute – patient. Ce sont des personnes qui utilisent les réseaux sociaux et tous les outils d’information pour diffuser un discours haineux et pseudo-scientifique suivi par des centaines de milliers de personnes : discours complotiste, discréditant les autorités officielles, alternatives de santé infondées, antivaccin etc. Sous les allures de bienveillance, c’est un discours qui génère la peur et la méfiance.

CONCLUSION :

Les PNC ne présentent de risques en soi qu’en cas de mésusage : mauvaises manipulations physiques (ostéopathie, chiropraxie) pouvant provoquer des complications, interactions entre la phytothérapie et une médication… Autrement dit, ce n’est pas l’approche qui est dangereuse, mais les personnes qui la pratiquent. La plupart des thérapeutes font du bon travail, simplement en offrant de l’écoute et du temps au patient, ce que j’ai appelé la méthode BEE.

Recommandations pour la pratique

  • Près de 50% de la population suisse a recours aux PNC
  • Inclure l’usage des PNC dans l’anamnèse : montrer son intérêt sur l’usage de ces approches.
  • Se renseigner sur le/la thérapeute et la thérapie
    Quelle est la formation du praticien ? Est-il membre d’une association professionnelle? Possibilité de faire un entretien de réseau ?
  • Consulter son site Internet et son profil sur les réseaux sociaux permet d’obtenir des informations sur la méthode utilisée, les formations effectuées, les indications thérapeutiques ainsi que sur la qualité des informations diffusées.

Clarifier les attentes des patients : bien-être, prévention, thérapie ou développement personnel ?

Le schéma ci-dessous illustre la place des PNC dans le champ de la santé :

Les PNC : dans quel but ?
Pour offrir un temps pour soi, un moment de détente, de bien-être, de relaxation…

Les PNC : Quand ?
Lorsque l’on se sent fatigué, inquiet, que l’on a un «manque d’énergie» ou un peu de déprime.

Pour peu à peu s’orienter vers la médecine :

La médecine : dans quel but ?
Lorsqu’il est nécessaire d’avoir un soin, une thérapie et l’établissement d’un diagnostic

La médecine : quand ?
En cas d’urgence, de crise, d’angoisse, de dépression

Il s’agit d’un continuum et non d’une opposition : à chaque contexte son approche.

Toutes ces informations, et bien d’autres, se trouvent plus détaillées dans les webinaires disponibles sur la plateforme Psybay, reconnus comme formation continue par les principales professions de santé en Suisse. Ils sont enregistrés, disponibles en tout temps. Vous pouvez vous inscrire en tout temps et les suivre à votre rythme. Accéder à la liste des webinaires

RÉFÉRENCES

Bon à Savoir
Comment éviter les charlatans ?

Descriptif
Le médecin suisse Jean-Gabriel Jeannot propose quelques questions à se poser avant de se rendre auprès d’un thérapeute complémentaire.


MIVILUDES
Frequently Asked Questions (FAQ)

Descriptif
Fiches d’information sous forme de FAQ concernant les sectes et dérives sectaires


Johnson SB, Park HS, Gross CP, Yu JB. Complementary Medicine, Refusal of Conventional Cancer Therapy, and Survival Among Patients With Curable Cancers. JAMA Oncol. 2018;4(10):1375–1381.

Descriptif
L’étude indique que le recours aux PNC diminue l’espérance de vie des patients atteints d’un cancer.


Centre Intercantonal d’Information sur les Croyances (CIC)
Rapport annuel 2020

Descriptif
Le CIC est un projet pionnier créé en 2002 par les cantons de Genève, Vaud, Valais et Tessin. Sa mission: offrir à la population des informations neutres et fiables sur les questions religieuses méconnues, en particulier sur les minorités religieuses et sur les nouvelles spiritualités. Si la majorité des sollicitations portent sur les questions religieuses (engagement d’un proche dans un mouvement religieux), le rapport 2020 indique que 22 % des demandes portent sur les Nouveaux mouvements religieux, New-Age et Thérapies alternatives.


Madame Le Figaro
“Médecine douce” : comment distinguer un thérapeute sérieux d’un charlatan ?

Descriptif
Interventions de Bruno Falissard, professeur de santé publique à l’université Paris-Saclay et spécialiste des médecines alternatives à l’Inserm ainsi que Joséphine Cesbron, présidente de l’ Union Nationale des Associations de Défense des Familles et de l’Individu Victimes de secte (UNADFI). Joséphine Cesbron : “À ce jour, il n’existe pas de cadre officiel, tel que les Conseils de l’Ordre pour les médecins, les sages-femmes ou les masseurs-kinésithérapeutes, pour surveiller ou sanctionner les praticiens déviants”. Bruno Falissard : “Des thérapeutes non médecins pratiquant l’acupuncture réalisent un exercice illégal de la médecine. “Ils plantent des aiguilles et cette effraction cutanée correspond à un geste médical”. A noter la différence de cadre légal avec la Suisse où les acupuncteurs non médecins sont reconnus.


Santé Magazine
Comment reconnaître une «fake news» en santé ?

Descriptif
“En santé, les fake news sont particulièrement toxiques car un patient qui y accorderait du crédit risquerait de ne pas être diagnostiqué correctement. “Il pourrait y avoir une erreur de traitement. Ce serait une vraie perte de chance”, observe le Dr Pierre-Marc Lallemand, cardiologue et membre du collectif de professionnels de santé FakeMed”. Avec également quelques conseils pour faire le tri parmi les informations qui circulent.


Sciences & Avenir
Dépression, addictions, sectes : les risques de la méditation

Descriptif
Article abordant le problème des études portant sur la pleine conscience. Willoughby Britton a cosigné en 2018, avec un collectif international de 15 chercheurs spécialisés, une revue de la littérature en forme de plaidoyer, alertant sur le fait que les effets négatifs ont été négligés par la recherche. « Seules 25 % environ des études scientifiques publiées prennent en compte les effets indésirables liés à la méditation », relève Nicholas Van Dam, chercheur en psychologie à l’université de Melbourne (Australie). Corinne Isnard Bagnis, néphrologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris : « Dans une phase où les symptômes de dépression sont trop intenses, un programme qui consiste à retourner le projecteur vers soi-même et à explorer ses émotions serait assimilable à une torture », assure-t-elle. Autrement dit, la méditation prévient les rechutes de la dépression, mais ne peut en aucun cas traiter une phase aiguë. Enfin, Charline Delporte du Centre national d’accompagnement familial face à l’emprise sectaire (Caffes) : le Centre a signalé les activités de l’association La Méditation du cœur, afin de la faire expulser de l’auberge de jeunesse de Lille où elle opérait. Elle est en effet liée à Shri Chandra Mission, une organisation spirituelle indienne, classée comme mouvement sectaire en France.